AFPS – Association France Palestine Solidarité
Demande d’explication au Premier ministre au sujet de la politique étrangère de la France
Monsieur Gabriel Attal
Hôtel Matignon
57 rue de Varenne
75007 Paris
Paris, le 18 janvier 2024
Objet : demande d’explication au sujet de la politique étrangère de la France.
Monsieur le Premier ministre,
C’est avec sidération que l’Association France Palestine Solidarité a pris connaissance des propos du Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères mercredi 17 janvier à l’Assemblée nationale : il répondait à une question de la députée Danièle Obono concernant l’attitude de la France au sujet de la requête de l’Afrique du Sud à la Cour internationale de Justice demandant des mesures conservatoires pour éviter qu’un génocide ne soit commis dans la bande de Gaza.
Il a dans un premier temps évoqué de manière détaillée les victimes israéliennes des attaques des commandos du Hamas le 7 octobre dernier. Mais il n’a eu aucun mot, aucun, pour parler des 25 000 victimes palestiniennes dont 10 000 enfants, des 85% de la population de la bande de Gaza déplacée de force et vivant dans une précarité totale, de la famine et de la soif comme arme de guerre, de l’absence de soins pour les malades, les blessés, les femmes enceintes, les nouveau-nés, de la destruction des cimetières et de la profanation des tombes, du dynamitage de tous les bâtiments publics (palais de justice, universités) du bombardement des écoles, des hôpitaux, des lieux de cultes. La souffrance des Palestiniens est ainsi, une fois de plus, ignorée, invisibilisée.
Pour rappeler la position de la France, Il a toutefois demandé – dans ce que nous imaginons être un terrible lapsus – de « permettre de garantir les souffrances des Palestiniens ». Une expression nullement corrigée par son auteur, ce qui à nos yeux justifierait la présentation de ses excuses. À moins qu’elle ne rejoigne la demande du même Stéphane Séjourné, alors député européen, lors de la dernière conférence des présidents, d’enlever le terme « permanent » à « cessez-le-feu » dans la résolution présentée au Parlement européen par la députée Manon Aubry ce 18 janvier : un cessez-le-feu oui, mais temporaire, les Palestiniens n’ont pas fini de souffrir !
Mais nous n’étions pas au bout de notre stupéfaction. Quand le ministre a abordé la position de la France quant à la résolution de l’Afrique du Sud au sujet du génocide en cours à Gaza, il a tenu les propos suivants : « accuser l’État juif de génocide c’est franchir un seuil moral – on ne peut exploiter la notion de génocide à des fins politiques, c’est notre position constante […] ».
Nous avons donc découvert que désormais une nouvelle page s’ouvrait et que la France, par la voix de son ministre, qualifie désormais Israël d’« État juif ».
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire ce qui justifie ce virage dans la politique extérieure de la France ? Depuis quand la France se fait-elle la porte-parole d’un État étranger, en l’occurrence Israël, qui dans son droit constitutionnel ignore 20% de sa population ?
De plus, après avoir rappelé que le droit international s’impose à tous (sans qu’aucune piste ne soit donnée pour l’imposer à Israël comme cela a été fait pour la Russie) nous avons compris des propos du ministre qu’Israël était exonéré du respect de la Convention pour la prévention du crime de génocide au motif que les Juifs européens ont été eux-mêmes victimes d’un terrible génocide. Le droit international est clair, il suffit de s’y référer. Convoquer la morale n’a pas lieu d’être.
Curieuse interprétation du droit international qui s’applique à tous… sauf à certains. Quant au seuil de tolérance du ministre à la souffrance des Palestiniens, il semble être particulièrement élevé au point d’en ignorer sciemment le moindre contour.
Monsieur le Premier ministre, ce que nous avons entendu à l’Assemblée nationale, non seulement nous horrifie mais nous inquiète quant à l’image de la France et à l’évolution de sa politique étrangère. S’agit-il d’agrandir encore un peu plus le fossé qui se creuse avec les pays du Sud ? Il vous faut clarifier de toute urgence la situation sur les trois points abordés par le Ministre Séjourné, avant que celui-ci ne préside au nom de la France le Conseil de sécurité de l’ONU mardi prochain.
Le Bureau national de l’AFPS
Le 18 janvier 2023