Une autre logique

Une autre logique

Face à l’effondrement économique qui se dessine, Bruno Le Maire n’exclut pas de nationaliser temporairement certaines grandes entreprises. On sait que les gouvernements les plus imbus de doctrines néolibérales n’hésitent pas à recourir à ce moyen, comme pour les huit plus grandes banques du Royaume- Uni en 2008, ou pour General Motors en 2009. Mais a-t-on cherché à faire fonctionner ces entreprises autrement ? Assigné à leurs productions des buts sociaux et écologiques ? Nullement. On leur a, au contraire, demandé une seule chose : redevenir rentables – c’est-à-dire dégager les profits destinés à faire grossir le plus possible leur capital. Et lorsque ce but a été atteint, ces entreprises ont été rendues à des actionnaires privés.

Et c’est ainsi, les frayeurs passées, que les affaires ont repris : banques et multinationales ont recommencé à spéculer, à déplacer usines, emplois, profits et revenus taxables au gré de leurs exigences de rentabilité ; les gouvernements ont continué de les aider à faire baisser le coût du travail en réduisant les droits des salariés et en taillant dans les dépenses publiques. De sorte que, lorsque le virus est arrivé, non seulement les hôpitaux n’étaient plus en état de recevoir tous les malades, mais les chaînes de production mondiales, conçues pour la rentabilité et non pour la coopération et la sécurité, se sont effondrées.

Cette logique capitaliste de l’argent pour l’argent doit changer si nous voulons surmonter cette crise, et celles qui lui succéderont. Il faut cesser de laisser faire le marché, et de confondre création de richesses et accumulation de profits. Des entreprises nationalisées doivent être à l’avant-garde de l’exercice, par les travailleurs et par les usagers des services publics, de nouveaux pouvoirs pour opposer à la rentabilité capitaliste de nouveaux critères d’efficacité économique, sociale et écologique.

Nationaliser des groupes dans des secteurs essentiels pour la santé, pour l’énergie, les transports, pour le financement des investissements, fera partie des moyens d’y parvenir. L’efficacité et la sécurité doivent désormais être pensées et partagées à l’échelle de la planète : il faut donc concevoir des « co-nationalisations » à l’échelle européenne ou mondiale, par exemple pour un pôle pharmaceutique public européen. Pour atteindre des objectifs précis, planifiés, démocratiquement élaborés, décidés et contrôlés.

Cette nouvelle planification stratégique, démocratique et décentralisée, de l’activité industrielle et de services, avec des engagements chiffrés, sera la condition d’une victoire contre l’épidémie. Et le début d’une nouvelle logique démocratique et économique, contre la domination du capital.

Denis DURAND, Économiste, commission économique du PCF

Source : Journal L’Humanité

Une autre logique

Electricité : le coût de l’Europe libérale

Electricité : le coût de l'Europe libérale

Depuis le 1er juin dernier, le tarif de l’électricité pour les particuliers que nous sommes – le « tarif bleu » d’EDF – a, comme on sait, augmenté de 5,9%, sur décision du gouvernement. Plus de 25 millions de foyers verront donc leur pouvoir d’achat rogné d’autant. C’est l’occasion de revenir sur l’une des dispositions les plus cyniques et scandaleuses des traités européens, notamment depuis l’Acte unique européen (1986) et Maastricht (1992) : l’obligation d’ouvrir à la concurrence tous les « monopoles publics » (comprenez : les entreprises publiques de service public : ferroviaire, postal, de l’énergie, etc..). La France s’était d’autant plus exécutée qu’elle était co-rédactrice de ces traités. Restait le problème épineux des centrales nucléaires : difficile de céder au privé une partie d’un secteur aussi stratégique et aussi sensible ! Or, celui-ci fit des jaloux parmi les concurrents d’EDF car, les centrales étant amorties, les coûts de production y étaient particulièrement compétitifs, notamment à partir de 2005. Le principe sacro-saint de l’Europe libérale – « la concurrence libre et non faussée »- supposait donc que soit assuré urgemment l’accès des concurrents d’EDF à l’électricité bon marché de l’opérateur historique.

Sous leur pression, la Commission européenne finit par poursuivre la France en 2008 pour transposition insuffisante des directives concernées. C’est ainsi que, pour se mettre en règle, les autorités françaises adoptèrent en 2010 la loi NOME (Nouvelle organisation des marchés de l’énergie). Celle-ci oblige EDF à vendre le quart de sa production à ses concurrents à un prix fixé à l’avance et calculé pour être, sauf accident, sensiblement inférieur aux tarifs du marché, ce qui permet à des firmes comme Direct-Energie ou Total… de prendre plus facilement des clients à EDF tout en augmentant, eux aussi, leurs tarifs ! On marche sur la tête.

Les partisans de cette logique justifiaient cette mesure par le souci de satisfaire les services « à moindre coût » en évitant les « abus de position dominante » des fameux « monopoles publics »… On attend toujours leur commentaire sur la nouvelle augmentation que la « libre concurrence » (…faussée) vient de provoquer. Muets sur ce point, ils sont, en revanche, prolixes quand il s’agit de demander la prolongation au-delà de 2025 (date-butoir inscrite dans la loi de 2010) du mécanisme dit de « l’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique », et même de plaider en faveur de l’augmentation de la part de la production d’électricité d’EDF (au-delà des 25% prévus dans la loi actuelle) mise à la disposition de ses concurrents.

C’est dire si le moment se prête comme jamais à un réexamen complet de ce système pervers et contreproductif pour les usagers comme pour l’entreprise EDF.

Francis Wurtz

Si c’est lui qui le dit…

Pour le patron d’EDF, l’électricité est trop taxée en France

 « Il faudrait peut-être réfléchir à moins taxer l’électricité puisqu’elle n’émet pas de dioxyde de carbone ». Cette phrase de Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, sur Europe 1, arrive à point nommé.

Le 1er juin, les tarifs de l’électricité augmenteront de 5,9%. Ce taux a été proposé par la CRE (Commission de régulation de l’énergie) en février et a été validé par le gouvernement. Reste désormais à publier cette décision dans le Journal Officiel.

S’il ne conteste pas la nécessité d’augmenter les tarifs, le patron d’EDF pointe la part des taxes sur la facture des usagers. « Je rappelle que quand on paye une facture d’électricité, on paye plus du tiers de taxes. C’est comme si on avait une TVA à 55 % », précise le PDG d’EDF.