L’article du journal Ouest France sur le débrayage de salariés de la conserverie de Cook à Plozévet m’a ramenée 17 ans en arrière.
C’était hier, à 51 ans, l’intérim et la découverte du travail dans les conserveries de Douarnenez et Plozévet.
C’était hier, et aujourd’hui toujours les mêmes revendications et ce sentiment du déjà vécu !
Quel courage et détermination de la part de ces salariés de débrayer, d’exiger le droit de travailler dans la dignité et le respect de l’Humain d’abord, d’avoir un salaire qui vous permet de vivre jusqu’à la fin du mois, sans l’angoisse du lendemain et des conditions de travail dignes du 21e siècle.
Salaire de misère, retraite misérable. Quelle honte pour la France, 6ème puissance du monde !
Vivre dignement de son travail avec un SMIC revalorisé à 1800 euros/brut/mensuel, c’est essentiel et ce n’est pas de l’utopie. Les communistes le proposent et le chiffrent.
Les bénéfices générés en fin d’année doivent être redistribués équitablement à l’ensemble des salariés.
Leurs revendications sont légitimes. La pénibilité des gestes répétitifs, les cadences toujours augmentées fragilisent, années après années, 8 heures/ jour, c’est long et douloureux.
Les pauses, indispensables pour reposer les corps fatigués doivent être intégrées dans le temps de travail.
Les troubles musculo-squelettiques engendrent des arrêts, mais aussi des incapacités de reprise et inaptitudes au travail. Comme le souligne la déléguée du personnel ce sont principalement les femmes ayant la cinquantaine qui sont touchées.
Pourtant, ce n’est pas dans l’air du temps de réduire l’âge de la retraite au contraire les gouvernements successifs reculent l’âge de départ à 64 ans !
C’est inhumain et quel mépris des salariés.
J’ai effectué l’emboitage des sardines sur les deux sites. j’ai rencontré des femmes qui emboîtaient parfaitement et elles aimaient ce travail, fière de leur savoir-faire.
Chez Cook il était interdit de parler. Une fois, j’ai rompu cet ordre pour demander à ma voisine « une permanente » de me donner des sardines plus petites qu’elle avait sur sa grille pour respecter le grammage et le nombre de quatre sardines de ma boite. J’entends encore la contremaîtresse à l’autre bout de l’atelier me hurler de travailler…Je travaillais !
L’étripage au couteau des sardines devait être rapide et précis. lorsque ma grille pleine était placée sur le rail, j’y posais un jeton qui servait de vérification de la rapidité mais aussi de la qualité de mon travail. En fin de journée les jetons étaient comptés.
Pendant des mois, j’étripais, debout tenant d’une main mes sardines et de l’autre mes ciseaux.
…« Ma grille devant moi qui avance toujours et le poisson qui défile dans le sens contraire sur un tapis, en contre bas. Mon geste est rapide, mais parfois pas suffisamment. Alors au bout de la chaine, la ligne des grilles incomplètes s’arrête . la responsable cherche en râlant la responsable ».
Souvent je me collais à ma voisine pour insérer deux ou trois sardines supplémentaires. Mes jambes, mes bras me faisaient mal. Cadence infernale, travail laborieux surtout lorsque le poisson était difficile à étriper, C’était à Douarnenez, au port.
Comme beaucoup d’autres, j’ai souffert. J’ai même pensé à abandonner mais j’avais quelques collègues formidables et mes convictions de femme, de communiste et ma rage de changer ce monde injuste m’ont permis d’avancer.
Au plus fort de ma colère, certains jours de grande fatigue, j’ai imploré Zola de revenir, lui disant qu’il n’avait pas tout écrit ! c’était mon cri du cœur, de délivrance. Certes, ce n’était pas Germinal et pourtant…
Devant l’absurdité et la cruauté de la vie actuelle, je pense au 8 millions de pauvres, aux bas salaires, aux fermetures des services publics, à l’école en péril, à la casse de l’hôpital public au bénéfice du privé, à la déstructuration de la sécurité sociale, créée en 1946 par Ambroise Croizat, ministre communiste de la santé et du travail.
La France doit reprendre en main son industrie, trop de précarité au travail, de temps partiels, de CDD, trop de jeunes sans formation à l’avenir incertain.
Il est digne de ne pas se taire et de ne pas accepter l’injustice.
Les communistes sont de ceux qui, même dans les pires tragédies, gardent rivée au fond de leur cœur, la conviction d’une transformation de notre société pour des jours heureux.
La conquête des esprits et des cœurs est une condition sine qua non de cette transformation.
Martine Le Nozer’h, Plozevet
Dans le journal Ouest France du 7 octobre 2021 :